Louise du Bot du Grégo appartenait à l'une des plus anciennes familles du pays de Vannes. A quinze ans, elle épousa Antoine d'Amphernet de Pontbellanger. Lorsque éclata la guerre, lorsque son mari se fut jeté en partisan dans les landiers morbihannais, elle séjourna en Anjou, au château de Maulévrier, chez les Colbert. Elle y demeura jusqu'au le désastre de Cholet.

Dès lors, on vit circuler cette aristocrate librement dans le pays insurgé. Uniquement préoccupée de sauver ses biens de la vente nationale, elle s'employait à faire lever le séquestre mis sur eux. Elle visitait les autorités révolutionnaires; elle courait les bureaux; elle assiégeait les Administrations. La voici à Nantes. Toutes les portes s'ouvrent devant elle, toutes les difficultés s'aplanissent. Un peu plus tard, on la trouve en Vendée, puis à Trévarez, près de Châteauneuf-du-Faou. Quelle armure enchantée la protégeait?. Quels que fussent les lieux où elle passait, que ce fut en Bretagne, en Anjou, en Poitou, elle voyait accourir entre deux victoires, le guerrier glorieux qui commandait les armées républicaines, Hoche en personne. Après des heures rapides auprès d'elle, il repartait pour revenir bientôt.

Pendant ce temps, le mari, Pontbellanger successeur de Tinténiac, continuait de s'enfoncer dans les maquis de l'Ouest, au lieu de marcher sur Quiberon. Il s'en explique dans un rapport envoyé au Comte de Puisaye daté du 7 décembre 1795. Bientôt, il apprit le désastre. Le sien était proche; sa troupe fondait à vue d'oeil. Suivi de quelques hommes fidèles, il errait à l'aventure. Une embuscade fut tendue; il y tomba et périt. Qui fit connaître sa retraite aux soldats ? La réprobation générale a crié: "Sa femme". Brouillée avec son mari, maîtresse de Hoche, il est prouvé par les lettres du général en chef; qu'elle était devenue pour lui, non pas seulement une amante, mais, encore, une indicatrice. Au courant, par ses relations, des intentions royalistes, elle se hâtait de les livrer à celui qu'elle aimait peut-être, mais que surtout elle savait lui être utile. Hoche envisageait la possibilité de pénétrer les secrets de l'ennemi, Louise du Grégo voyait une autorité tutélaire couvrant les domaines de sa famille.

L'entente suspecte avec Hoche est prouvée; Hoche ne la reniera point. Il dira au Directoire : "La personne qui m'a si bien servi depuis trois mois est la fille de cette marquise du Grégo dont il est question dans les notes jointes à votre lettre."

Plus tard, en 1814, dans un rapport au Ministère de la Guerre, le commissaire du roi à Brest écrira :" Maîtresse du général Hoche, elle osait en afficher le portrait sur son sein; elle portait avec effronterie le costume sanglant qu'on appelait alors habit à la victime. Confondue avec les maîtresses de Barras., elle rivalisa avec elles dans cette tenue de prostituée."

L'intérêt avait été la raison majeure de sa liaison avec Hoche, I'intérêt sera encore la raison de son remariage. Le 25 octobre 1797, elle épousa le colonel Bonté, commandant la 81 ème demi-brigade. Elle intriguait maîtresse de Hoche; elle intrigue, femme du colonel Bonté. Elle intriguait sous la Révolution, pour la conservation de ses biens; elle intrigue sous le Consulat et l'Empire, pour l'avancement de son mari. Ellle intriguera aussi à la Restauration. Sous le Consulat, elle invoquait ses relations avec Barras, avec Sottin; sous l'Empire, elle fait valoir d'autres amitiés. Elle a d'autant moins de peine à servir la carrière de son mari que celui-ci n'est pas sans mérite. Mme Bonté le suit dans quelques-unes de ses campagnes, notamment en Dalmatie. Il est fait baron.

Plus difficile sera son attitude sous la Restauration. Bonté a été nommé gouverneur du Finistère. Les royalistes s'émeuvent : l'ancien lieutenant de Hoche à la tête du pays. Bonté est déplacé, on l'envoie à Morlaix, à la tête d'un simple arrondissement. Viennent les Cent-Jours. Bonté se tient coi, mais sa femme s'agite. Cela lui vaut d'être renommé à la tête du Finistère, sous la seconde Restauration. Nouveau tapage, nouvelle disgrâce. Alors elle assiège les municipalités; elle assaille députés et préfets; elle ose invoquer des services soi-disant rendus par elle à la cause de la Légitimité sous les Cent-Jours; n`a-t-elle pas donné asile aux chefs Morbihannais? Vains efforts. Le comte d'Hofflize reçoit le commandement du Finistère.

Elle s'installe à Paris; là, elle est plus près des Pouvoirs publics. Elle apprend que son mari va être mis en demi-solde. "J'avoue, écrit-elle, que cette crainte m'a terrassée." Eh bien ! puisque les députés, les ministres n'ont pu lui éviter cette catastrophe, elle ira voir le roi, le roi en personne. Elle obtient une audience et se jette aux pieds du monarque. Il promet de replacer Bonté dans son grade. Cela ne lui suffit pas, une autre préoccupation l'anime : une partie de ses biens avaient été confisqués par la Nation; elle veut une juste compensation. Elle parle de son passé; elle explique comment elle dut se réfugier en Vendée : "Je fus condamnée comme émigrée, ose-t-elle proclamer, à être fusillée sur-le-champ, partout où je serais rencontrée; un miracle et ma grande jeunesse me sauvèrent seuls"

Le monarque connaît bien des choses secrètes mais il a juré l'oubli du passé; il voudrait, son trône étant rétabli, voir les divisions cesser. Il écoute les doléances de la baronne Bonté; il exauce sa prière.

Elle arrive aussi à sauver du naufrage les propriétés que son père, le marquis du Bot, avait régulièrement vendu ou hypothéqué. De là, des contestations et des procès de la part des acquéreurs ou des créanciers dépouillés. Madame de Bonté recevait leurs revendications de pied ferme.

Elle s'éteignit le 17 janvier 1826. Sa mort sonnait la fin de la carrière de celui dont elle avait été le bouclier : moins de sept mois après, Bonté était mis à la retraite. Mais peut-être, parce qu'habitué à sentir autour de lui une volonté agissante, éprouva-t-il l'ennui de la solitude; il se hâta de se remarier. Il épousa Elisa de Carlotti qui, elle, ce qui vaut mieux, n'a pas d'histoire. Il s'éteignit le 6 mars 1836, d'une manière fort édifiante, au dire de sa belle-fille Mme d'Amphernet de Pontbellanger.

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